Quoi ? T’as pas de maid ???

-          Mais tu fais comment ???

-          Ben comme tous les autres : je fais le ménage, la vaisselle (parce que je n’ai pas de lave-vaisselle), j’étends mon linge (parce que je n’ai pas de sèche-linge)….

-          Oh la la mais ça ne te saoule pas ?

-          Ben disons qu’il faut bien le faire…

-          Ah oui, non mais moi, c’est bon, quoi ! Entre les cours de golf, d’ikebana et les conférences de l’association…

-          Ah tu donnes des conférences ?

-          Non, pourquoi ?

-          Ben, j’sais pas, tu dis « les conférences de l’association »….

-          Non, mais je vais assister à des conférences, tu sais….

-          Ah…ok……mmmh mmmh

-          Mais alors, t’as pas de maid, donc ! Ma pauvre ! Cela dit, tu ne bosses pas, donc, ça va…

-          Ben si, en fait, je bosse depuis début janvier.

-          Ah bon !!?? Tu fais quoi ?

-          Je donne des cours de français en entreprise. Pour l’instant, ça ne m’occupe que quelques heures par semaine mais l’objectif est d’atteindre la vingtaine d’heures, histoire d’avoir…

-          …de quoi t’occuper et de te changer les idées…

-          Euh, non…histoire d’avoir un salaire décent.

-          Un salaire ? Mmmh mmmh …

-          ….

-          Et, mais au fait, je ne me suis pas présentée !! Quelle nouille ! Je suis Brigitte, la femme d’Hervé qui bosse pour Assuworld.

-          Ben moi, c’est Séverine. Enchantée !

-          Et Séverine, comment dire euh….il fait quoi ton mari au juste ?

-          Mon mari ? Ben il travaille pour la Coquillette Company.

-          Ah oui ? C’est marrant ! Je connais quelqu’un qui bosse pour la Coquillette Company ! Dans les bureaux, c’est ça ? Sur l’avenue, n’est-ce pas ?

-          Non, moi, il travaille à l’usine, sur une des îles au large de Swingapoul.

-          A l’usine….mmmh mmmh…Non, moi, la personne que je connais, elle travaille..

-          …sur l’avenue, oui…mmh mmh….non, mon mari, il bosse à l’usine.

-          Et il fait comment pour y aller, ton mari, sur son île ?

-          Il prend le bus en bas de chez nous, puis un autre bus au port et le bateau, et …

-          Pff, non mais ça va pas du tout, là ! Tu devrais lui dire de prendre le taxi ! Moi, je vois, pour tous mes déplacements, je prends le taxi. Tellement simple !

-          Cela dit, c’est relativement plus cher.

-          Cher ? Euh… à vrai dire, je ne sais pas : je ne suis jamais montée dans un bus ! AH AH AH !!

-          Ah ah ahhhhh…..

-          Je vais me chercher du jus de fruits, j’ai le gosier tout sec…Hé mais c’est Yvonne ! YVONNEUH, très chère……

-          Excuse-moi ! Euh…j’ai entendu votre conversation. Tu donnes des cours de français en entreprise ?

-          Oui !

-          Oh mais moi, ça m’intéresse, tiens !

-          Ah bah écoute, si tu veux, je te mets en relation avec la personne qui m’a offert le poste. Tu as déjà enseigné ?

-          Oui, euh, quand on était à Hong Kong, j’ai donné des cours de soutien à des petits de primaire, comme ça, au black… Oh attends ! Je peux ?

-          Quoi ?

-          Regarder ta French ?

-          Ma quoi ?

-          Ta French manicure !

-          Euh mais c’est mes ongles, quoi, avec du vernis normal..

-          Ah ! Quelle nigaude : ben oui, c’est tes ongles ! J’arrive pas à les avoir si blancs moi…..et pis ils sont tout mous... C’est comme les cheveux : je les perds par poignée.

-          Ah c’est embêtant…

-          ‘fin, oui mais c’est pas pire que quand on était à Dubai ! Un de ces teints ! De ces boutons ! J’en ai fait une dépression, figure-toi ! Et carabinée en plus !! Je te raconte pas !

-          Ah oui ? Oh mince….

-          Non mais, tu sais, quoi, l’expatriation : la perte d’identité, de repères, ton mari qui n’est jamais là, les enfants qui ont du mal à faire leurs nuits à cause de la chaleur…’fin tu sais…

-          Non, enfin, je devine : je n’ai pas d’enfant.

-          T’as pas d’enf…..Attends, je vais me chercher un jus de fruits : j’ai le gosier vraiment sec…

En résumé,

Moi et l’HI passons pour des Marsiens : nous travaillons tous les deux et nous n’avons pas d’enfant. Par ailleurs, nous n'avons pas de maid.

Il faut dire qu'on n'a jamais songé à en prendre une, de maid– femme de ménage – et encore moins de sleeping maid – une qui loge chez l'employeur.

Pourtant, on aurait le choix : elles sont quelques 150000 sur le marché, provenant toutes de pays assez voisins tels que la Malaisie, les Philippines, l’Indonésie…..

Certes, il nous aurait fallu suivre une formation, où l’on aurait appris quelques règles (élémentaires) en matière de respect de la personne et de sécurité.

Cette formation, obligatoire, aurait très certainement levé le doute sur ces questions qui me taraudent : faut-il ou non laisser sa maid monter sur un tabouret quand elle nettoie les vitres d’un appartement situé au 25^ème étage ?  (les accidents sont fréquents et je dis cela sans blaguer). Peut-on frapper sa maid si elle ne fait pas bien le ménage ou si elle s’obstine à mettre trop de sel dans la soupe ? (en 2001, une Singapourienne a été condamnée à 5 ans de prison pour avoir battu sa maid pendant 8 mois. Les coups étaient apparemment souvent portés à la poitrine au point d’en faire tomber le téton du sein gauche de la maid. Par ailleurs, la pauvre Philippine se voyait régulièrement tapée à coups de ciseaux sur les cuisses, de plaque de four chaude sur les poignets….et j’en passe).

Force est de constater que nous resterons pour l’instant dans l’ignorance, ne sachant pas à quoi ressemble la vie en collocation avec une maid.

Quel dommage !