Quai de la brume

Ils sont toujours marrants les Parisiens quand ils vous disent que de chez eux, ils voient la Tour Eiffel ou le Sacré Cœur ! Car si c’est vrai pour les fortunés, ça l’est toujours un peu moins pour la majorité…à moins de se pencher dangereusement contre la rambarde du balcon et de tendre, tendre, tendre le cou à s’en péter les tendons….

Cela dit je pense à eux quand j’écris ces quelques lignes car, alors que je m’apprêtais à vous dire que des fenêtres de mon appartement, je peux voir la rivière Singapore et quelques restaurants en bordure du quai Robertson, je me suis ravisée. Oui, en bonne blogueuse je me devais de vérifier que c’était vrai et force est de constater que ben, chez moi aussi il faut tendre le cou…ou plutôt écraser son visage contre une des baies vitrées afin d’apercevoir un bout de ce qui ressemble à de l’eau, une rivière, un quai…

Mais bon, nous dirons pour l’histoire que des fenêtres de mon appartement, je peux voir la rivière Singapore et quelques restaurants en bordure du quai Robertson….quai qui quoique coquet (allitération en /k/) est quelque peu noyé dans la brume !

Oui, la brume. Enfin la « haïzeuh » comme certains Français d’ici l’appellent – ça doit faire classe sans doute… Venant de la région de Sumatra, en Indonésie, elle touche Swingapoul, la Malaisie et même le sud de la Thaïlande. Et cette brume, c’est en gros une quantité massive de CO2 qui fait tousser les Swingapoulais, souffrir les asthmatiques et fuir les grands boulevards un samedi après-midi, fait rarissime.

Mais que se passe-t-il à Sumatra pour provoquer une telle brume polluante à Swingapoul? me demanderez-vous. Ben, des incendies criminels favorisés par la saison sèche. Greenpeace crie au scandale mais pour les agriculteurs indonésiens, il est plus économique de brûler les terres que de les défricher aux bulldozers. Les élus locaux sont en grande partie responsables puisque c’est eux qui accordent contre finances des concessions d’exploitation forestière. Et évidemment, l’Indonésie faisant partie des pays les plus corrompus au monde (c’est quelqu’un qui l’a dit), les élus n’accordent pas « beaucoup » de concessions. Ils en accordent TROP, encourageant indirectement les petits agriculteurs à transformer ces bouts de forêt équatoriale, refuge des tigres et des éléphants, en plantations – brûler devient alors le moyen le plus facile pour préparer le terrain. Se joignent à la partie deux géants mondiaux de la production de pâte à papier (qui récupéreraient du bois non brûlé dans l’affaire) et les petits producteurs d’huile de palme, pour qui brûler les terrains est aussi avantageux économiquement. Bref une sale histoire…qui malheureusement se répète chaque année.

Conséquence : Les golfeurs n’ont pas swingué ce week end à Swingapoul. Ils ont consulté comme tout le monde le PSI, l’index de pollution. Le PSI indique le taux de monoxide de carbone, de sulphure de j’sais pas quoi, d’ozone, et de PM10, des p’tites p’tites particules polluantes. En gros, selon l’index, jusqu’à 50, on est heureux. De 51 à 100, on s’inquiète mais on ne s’angoisse pas. De 101 à 200, « c’est pas bon pour la santé », nous dit-on. « Ne faites pas de sport dehors, restez chez vous, ça vaudra mieux, surtout si vous êtes vieux ». Bon l’index monte jusqu’à 400 mais à ce niveau-là – dès 301 en fait- c’est vraiment très dangereux pour la santé….Samedi soir, 21.00, le taux était de 156…mais on se rassure car en septembre 1997 il avait atteint 226….Ouf, on se sent tout de suite mieux là ! 

Allez, une info pour la route : chaque minute, en Indonésie, c’est l’équivalent de 4 à 6 terrains de football qui partent en fumée.

Comments

[cemelef]

Et dire qu'on a souvent entendu parler de la fôret équatoriale d'Amérique latine et jamais de celle d'Indonésie ! Alors, depuis tu t'es munie d'un masque ! comme ça, derrière ton masque, personne peut savoir que tu es caucasienne - si ce n'est par ta taille ! Mauvaise idée de camouflage : je continue à chercher !